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Voici maintenant des mois que je ne suis pas venue écrire aussi. Trop difficile, trop douloureux...

Des mois de douleur, de chagrin, des mois où nous avons connu le pire.

Le 25 avril 2014, nous sommes à la maison. Je sens que je perds quelque chose. Ce n'est pas comme d'habitude. Mais nous ne nous inquiétons pas plus que ça. Je pense à des pertes, à une mycose... Arrivés aux urgences, on me fait des examens. Le verdict tombe : J'ai rompu une poche et je suis pleine de contractions. Je passe une écho, mes puces sont en pleine forme, bougent toujours autant et ont encore beaucoup de liquide. On respire un peu. L'interne vient m'expliquer que je vais être hospitalisée. Elle me dit qu'à ce stade si le travail démarre, il ne pourra être arrêté et qu'à ce stade, mes filles ne pourront survivre et qu'on ne pourra pas les prendre en charge.

On m'installe dans ma chambre. Je suis avec mon chéri. On essaie tant bien que mal de se détendre et de se rassurer. Vers 22h, il rentre à la maison. Je commence à m'endormir. Je ne pensais pas que le drame n'allait plus tarder...

Durant la nuit, je commence à me réveiller toutes les heures puis de plus en plus souvent avec d'intenses douleurs au ventre et dans le bas du dos. Le lendemain matin, ca devient de plus en plus insupportable. Je souffre de plus en plus. Je me doute que ce sont des contractions mais il est hors de questions que j'accouche, non, je ne veux pas condamner mes filles ! Mon homme est venu me rejoindre, il veut que je sonne, qu'on appelle quelqu'un. Je refuse. J'essaie de convaincre mon corps et mes filles d'arrêter tout ça! Mais je sens que le pire va arriver, que je ne pourrai rien empêcher. Alors j'attends le plus longtemps possible avant de sonner, avant d'entendre l'inacceptable. J'essaie de profiter des derniers mouvements de mes puces en moi... Puis la souffrance des contractions augmentant, je me résous à laisser le papa sonner. Un sage-femme arrive. Il m’ausculte et me dit d'une voix douce, une main sur mon genou : "Je suis désolée Madame, votre col est effacé, vous êtes dilatée à 4 et vous allez accoucher dans l'après-midi". Ma première réaction alors que je sens les larmes et le désespoir monter est de dire "NON!" Non je n'accoucherai pas. Pas à 23+6SA !

On m'installe sur un brancard, en sortant de la chambre, je croise mes parents qui viennent d'arriver, prévenus par mon chéri. Il est 13h50. Les soignantes m'emmène. Je commence à hurler, j'ai trop mal, c'est insupportable. J'arrive en salle de naissance. Je cris "Ca pousse". La sage-femme a juste le temps d'enfiler ses gants, je n'ai même pas pu mettre les jambes sur les étriers. Elle me dit que Clara arrive, que je vais devoir pousser. Je panique, je ne sais pas comment faire. Mon ami est là, il me soutient, il est fort. Je pousse, trois fois. Il est 14h19 et Clara sort. Elle pousse un cri, nous sommes bouleversés. Nous ne pensions pas que c'était possible. Je la prends sur moi. On l'installe ensuite tout près de moi dans un berceau. La poche des eaux d'Océane tient le coup, mais les contractions l'ont trop fait descendre. Je ne pourrai pas la garder. La sage-femme perce la poche. L'anesthésiste arrive pour me faire une péridurale. C'est trop dur, je ne tiens pas assise, je suis épuisée, laissez-moi...Je sortirai Océane comme sa soeur. Je me rallonge. Les contractions reprennent de plus belle, je n'ai plus de force. Petite Océane est en siège, il me faut un peu plus de force pour pousser malgré son tout petit poids. Je ne veux pas qu'elle souffre alors je me concentre. Je pousse à nouveau trois fois. Il est 15h04, Océane est là. Elle ne crie pas mais respire seule. Je demande à la voir, puis on l'installe à côté de sa soeur.

Une obstétricienne arrive. On demande à mon ami de sortir. Je perds beaucoup de sang. On doit me faire une révision utérine. On me pose une rachi. Il faut agir vite et elle n'a pas le temps de s'installer complètement. Je ne sens pas le passage de la main et de l'avant-bras en moi, mais une fois dans le haut de l'utérus, je sens que ca gratte et là... Je vis une torture. Je hurle qu'on me laisse tranquille, qu'on arrête de me faire mal, que je crois mourir. Une sage femme me tient un masque sur la tête, une autre me tient les bras. Je n'en peux plus... Je respire, c'est enfin fini.

Mon homme revient. Clara et Océane sont toujours avec nous. Je les prends en peau à peau et demande à les garder sur moi jusqu'à leur dernier souffle. Mes parents viendront les voir et les embrasser une unique fois. Puis nous resterons tous les quatre dans notre tendresse et dans la plus grande intimité jusqu'à 17h25. La sage-femme écoute à nouveau les petits coeurs et nous dit que c'est terminé. Mes petites puces sont décédées et en même temps. Elles se sont attendues. Et là, une douleur encore plus douloureuse que toutes celles endurées jusqu'à maintenant me transperce : On m'enlève l'une après l'autre Océane puis Clara. Nos peaux étaient collées après ces quelques heures sur moi. Je m'effondre... Que vient il de se passer en quelques heures ...Comment est ce possible ?

La sage-femme va préparer nos filles puis nous les ramène une dernière fois. Clara fait 580gr et 30cm. Océane fait 550gr et 30cm. Nous les embrassons une dernière fois, nous leur disons à quel point nous les aimons et qu'elles seront toujours nos premiers enfants et celles qui auront fait de nous une famille, fait de moi une mère.

On remonte en chambre. Seuls, désemparés et désespérés... A 25ans, j'ai perdu mes deux enfants. S'ensuivra ensuite toutes les démarches, les funérailles, le fond du trou. Puis peu à peu, nous avons avancé, repris des forces. Tous les jours nous nous servons de la force et de la dignitié qu'elles nous ont apporté ce jour. Elles nous ont permis de vivre ensemble quelques heures et pour elles, pour ca, nous nous devons de nous en sortir.

Le samedi 26 avril 2014 en quelques heures, la vie et la mort se sont croisées.

Le plus beau et le pire jour de ma vie
Tag(s) : #Deuil périnatal
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