Quand on perd un ou plusieurs enfants in utero ou quelques temps après la naissance, on vit ce que l'on appelle le deuil périnatal. C'est un deuil oui mais comme les autres. Dans mon cas, j'ai dû faire (et je ferai toujours je crois), plusieurs deuils:
- Celui d'une grossesse incomplète qui s'arrête violemment et brutalement. Pendant des jours après l'accouchement, j'ai eu du mal à me rendre compte que j'avais à nouveau le droit de manger certaines choses, de boire de l'alcool. Plus difficile, pendant des semaines, j'avais la sensation de toujours sentir mes puces en moi. Ce n'était que mes organes qui se remettaient en place... Le ventre a diminué assez rapidement. Pendant plus d'un mois, j'ai fondu en larmes tous les matins dans la salle de bain devant le miroir. Mon corps m'a trahi.
- Celui de la gémellité. Quel bonheur de se sentir privilégiés de vivre cette aventure pour qu'on nous le reprenne. C'était une grossesse spontanée et je sais donc qu'il y a très très peu de chance que j'ai à nouveau des jumeaux à jour. Oui, ce sera mieux pour le suivi de la grossesse d'après et les risques de récidive baisseront. Il n'empêche que je suis aujourd'hui conditionnée pour élever deux enfants et que cette blessure restera toujours.
- Evidemment, le deuil de Clara. Une battante qui donnait beaucoup de coups, qui se montrait aux échographies, qui a crié, qui attendu sa soeur.
- Bien sûr le deuil d'Océane. Une douceur, très discrète dans mon ventre et toujours cachée pendant les échographies. Une arrivée en silence et un apaisement lorsqu'elle s'est trouvée près de sa soeur.
Une grossesse mais deux filles. Même si je les ai peu connues, c'est bien un deuil pour chacune que j'ai dû entreprendre. Si petites mais déjà si différentes et ressemblantes. Quelques mois en moi et quelques heures sur moi. Ca me suffit pour parler d'elles sans m'arrêter: leurs ressemblances, leurs différences, leurs caractères.
Je les connais par coeur.
Le deuil périnatal n'est pas une maladie dont on peut guérir. On tente simplement d'apprivoiser cette douleur sourde et intense qui nous ronge. On apprend à vivre avec.
Un deuil n'est pas régulier ou linéaire. C'est très souvent un pas en avant et deux pas en arrière. Même si on a sorti la tête de l'eau, même si on fait des projets, nous sommes cassés au plus profond de nous. Rien ne sera plus comme avant. Le sourire est sincère parce que la vie reprend le dessus malgré tout mais le coeur est toujours lourd et serré, brisé.
Certains remarqueront des changements, d'autres non. Selon nos contacts, nos affinités. Mais ce qui est sûr, c'est que je ne serai plus jamais la même.