S'il y a bien quelque chose qui m'a aidée à sortir peu à peu la tête de l'eau, c'est de rendre hommage à mes filles. Ce besoin de continuer à les faire vivre, de reconnaître leur existence. Comme un besoin de prouver aux autres qu'elles sont bien nos premiers enfants. Il fallait que Clara et Océane aient un endroit à elles dans notre appartemment. C'est aussi leur maison, et il fallait qu'elles y aient leur place.
Nous avons donc aménagé un petit espace qui leur est dédié dans notre salon. Un portrait magnifique est mis sous verre et fixé au mur. Sous ce portrait, se trouve une étagère où figurent plusieurs objets et symboles importants pour nous.
Pour représenter nos filles, on y trouve :
- Les cartons roses qui comportent leurs empreintes des mains et pieds avec leur taille et poids de naissance. Ils sont encadrés.
- Un montage des différentes échographies.
- Les quelques cartes reçues par des amis.
- Un collier avec un coeur et deux ailes d'ange. Je l'ai en double pour le porter aussi autour de mon cou.
- Un bracelet, que le papa m'avait offert à mes 25 ans à quatre mois passé de grossesse, quand tout se passait encore bien. Il est composé de deux pierres roses et une pierre grise au milieu. Les pierres roses symbolisent les filles et la grise représente mon homme. Je le mettais avant mais j'ai failli le perdre il y a quelque temps. Ca a tellement été douloureux d'imaginer quelqu'un d'autre le trouver et le porter que quand je l'ai retrouvé (sous mon siège passager, après avoir retourné une salle de cinéma pour l'anecdote.), j'ai décidé de le laisser ici.
- Un pendentif offert par des amis très proches avec une jolie gravure d'une photo des filles et moi.
- Il y a aussi un galet blanc qui vient du cimetière. A l'endroit où leurs cendres ont été déposées. J'ai eu besoin de rapporter quelque chose qui avait été leur dernier contact.
- Pour finir, deux bougies roses décorent également l'étagère.
C'est leur coin et nous sommes apaisés d'avoir réussi à leur trouvé une place où nous pouvons faire vivre les souvenirs que nous avons d'elles.
Dans notre chambre, j'ai aussi un petit endroit à moi. Un autre portrait est affiché. Puis sous ma table de nuit, j'ai encadré une photo du plus beau moment qu'il m'ait été donné de vivre, lorsque j'avais mes deux puces en peau à peau avant leur décès juste après l'accouchement. Le moment où je me suis sentie comme n'importe quelle maman, à découvrir ses bébés et à s'émerveiller devant cette vague d'amour infini après leur avoir donné la vie. Puis il y a aussi une boîte à souvenirs où j'y ai mis toutes les autres affaires que j'ai pu récupérer : les photos des filles, les bracelets de naissance, le lange qui les couvrait pendant le peau à peau, les échographies, les bonnets et petits chaussons que nous avions prévu de leur mettre à la naissance...
Il y a encore quelque chose que nous avons pu faire, pour elles et pour nous. C'est un tatouage. Nous avons choisi le même dessin tous les deux. Il s'agit du symbole de l'infini qui fait se rejoindre les deux prénoms. Lui gaucher, au poignet gauche, et moi droitière au poignet droit. De cette manière, nous le voyons tout le temps. Et ça, ce tatouage, on sait que personne ne pourra nous l'enlever. A défaut de les avoir près de nous, nous les avons en nous.
Certains trouvent ça "trop", ou pensent peut-être que tout cela nous fait replonger. D'autres trouvent tout cela un peu glauque ou lugubre.
Un jour j'ai entendu "Ca vous fait y penser tout le temps". Mais quand on perd ses enfants, pensez-vous vraiment qu'il y ait besoin d'un objet ou d'une photo pour y penser? Non, bien sûr que non, on se lève en pensant à ses enfants et on se couche en pensant à eux. Encore une fois, j'ai envie de dire Comme n'importe quel parent...
Toutes ces petites choses que nous affichons un peu partout, tous ces objets que nous ressortons...Il faut bien comprendre, que nous, nous n'avons plus que ça. Jamais nous ne les verrons grandir, jamais nous ne les entendrons rire, plus jamais nous ne pourrons les embrasser ou les prendre dans nos bras, jamais nous ne pourrons leur faire de cadeaux.
Ces souvenirs, c'est la seule chose qui nous permettent de vivre notre rôle de parents auprès de Clara et Océane.
Et quel apaisement nous avons ressenti depuis que nous avons pu installer tout cela !